L’aide internationale trop timide face à l’insécurité au Sahel

L’aide au développement rechigne à financer la sécurité dans la région sahélienne. Laissant la France isolée sur ce dossier sensible.

La paix et la sécurité sont deux éléments qui manquent cruellement à la région du Sahel. Et que la France est bien seule, sur la scène internationale, à défendre.

Un état de fait qui menace le développement de la région, ont pointé du doigt plusieurs experts à l’occasion d’une table ronde au Forum Convergences à Paris.

« Nous avons lancé une consultation sur la sécurité et le développement au Sahel, et ce qui est ressorti c’est que le cout de l’inaction serait bien plus élevé qui les besoins d’investissement pour le développement de la région » a expliqué Sylviane Guillaumont Jeanneney, présidente du groupe de travail interdisciplinaire « Paix, sécurité et développement au Sahel » du Cerdi.

Multiples opérations

« L’effort de la France a été très important en matière de sécurité dans cette région » a expliqué la spécialiste. En effet, depuis la crise au Mali, la France a vu la liste de ses interventions militaires s’allonger dans la région sahélienne. La France a notamment mis en œuvre l’opération Serval au Mail, ainsi que l’opération Barkhane dans la bande sahélienne, et enfin la participation à la mission de l’ONU au Mali (Minusma).

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Résultat, le soutien de Paris aux pays du Sahel s’est de plus en plus orienté vers le maintien de la paix et de la sécurité. En 2015, la France avait ainsi dépensé 650 millions d’euros pour le financement des opérations de paix et de sécurité en Mauritanie, au Mali, au Niger, au Tchad et au Burkina-Faso.

Sur la même période, l’aide au développement française destinée à cette région particulièrement touchée par les groupes armés, n’a représente que 240 millions d’euros.

« L’effort de la France a donc été beaucoup plus important en matière de défense qu’en matière de développement, à l’inverse de la communauté internationale » a détaillé Sylviane Guillaumont Jeanneney.

Impasse sur la sécurité

Les donateurs internationaux ont en effet consacré 5 fois moins de fonds au maintien de la paix et de la sécurité au Sahel qu’au développement, et pour cause.

« Il y a une grande réticence de la part de la communauté internationale à financer les dépenses de sécurité, car elles ne sont pas considérées comme de l’aide au développement. Mais au Sahel, les deux sont indissociables » selon Sylviane Guillaumont Jeanneney.

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Le financement de la sécurité dans les pays en développement a souvent fait figure de tabou. Pays et organisations rechignant à financer des actions de maintien de l’ordre. « L’Agence française de développement, comme le reste de la communauté internationale, a pris le tournant sur la sécurité assez tardivement » reconnait Olivier Ray, responsable de la cellule crises et conflits à l’AFD. Les règles internationales vont-elles-mêmes en ce sens. En effet, le Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’OCDE, organisme en charge de la définition des règles internationales de comptabilisation de l’aide publique au développement, ne prend que peu en compte les dépenses de sécurité.

Et les réticences sont réelles. Pour Erik Solheim, ancien  président du CAD, « difficile de comptabiliser l’achat d’armes et de matériel militaire comme une dépense de solidarité internationale » avait-il expliqué  dans une interview àEurActiv.

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Du côté des ONG, la comptabilisation des dépenses sécuritaires fait aussi grincer des dents, ces dernières craignant qu’un tel changement ne détourne  l’aide destinée aux pays les plus pays, et aux sujets de la santé et de l’ éducation.

Les règles de comptabilisation et la prise en compte des dépenses de sécurité ont été remises sur la table, notamment à la demande de la France. Mais les discussions patinent, faute de consensus entre les pays.

Augmentation de dépenses de sécurité

« Il faut absolument que la communauté internationale augmente le financement qu’elle apporte à la sécurité au Sahel » a rappelé Sylviane Guillaumont Jeanneney.

Au-delà des besoins en matière de financement de la sécurité,  le bilan de la communauté internationale sur les opérations de maintien de la paix est « modeste, voire même mauvais, », affirme Olivier Ray.  « La communauté internationale intervient trop tard et repart trop tôt : le constat est le même sur toutes les crises » a expliqué l’expert, citant les exemples de l’Afghanistan ou de l’Irak.

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Pour les pays sahéliens, la priorité à la sécurité est aussi clairement donnée.  « Ce qui préoccupe les gens, c’est l’insécurité au jour le jour. Il faut développer la police et les forces de l’ordre mobile pour protéger les populations » a appelé l’ancien premier ministre du Burkina Faso, Tertius Zongo.

Les pays du Sahel se sont déjà organisés face au défi de la sécurité. Regroupés au sein du «  G5 Sahel », la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Tchad et le Burkina-Faso planchent depuis 2014 sur une réponse régionale  aux difficultés sécuritaires posées par les groupes armés terroristes et les pillards.

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