La crise sanitaire de la COVID-19 prend ses racines dans les nombreuses pressions que les activités humaines exercent sur la nature et le monde sauvage. Elle intervient comme un nouveau révélateur de la fragilité de nos sociétés et des limites de nos modèles de production et de consommation. Dans un contexte où les effets du dérèglement climatique et du déclin de la biodiversité sont de plus en plus visibles, cette crise sans précédent constitue une opportunité unique pour engager durablement la France dans la transition écologique, en s’inscrivant dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD) promus par l’ONU.
Alors que les conséquences sociales et économiques de la crise sont considérables et menacent des centaines de milliers d’emplois, le WWF France a réalisé une étude avec l’appui du cabinet EY. Elle montre qu’il est possible de bâtir un plan de relance de l’économie conjuguant transition écologique, relance et création d’emploi.
L’étude met en évidence les bénéfices pour l’emploi d’une relance tournée vers les secteurs clés de la transition écologique et évalue les besoins d’investissement pour chacun de ces secteurs. Trois scénarios sont étudiés : un premier scénario business as usual, un deuxième basé sur les engagements environnementaux déjà pris par la France et un troisième scénario “relance verte” basé sur des objectifs environnementaux rehaussés.
Cinq secteurs prioritaires pour soutenir plus d’un million d’emplois d’ici 2022
Afin d’accélérer la transition écologique tout en soutenant de nombreux emplois non-délocalisables, l’étude identifie cinq secteurs prioritaires : la rénovation thermique des bâtiments, les énergies renouvelables, les transports collectifs (transports ferroviaires et transports en commun urbains), la mobilité individuelle (véhicules électriques et vélo), et l’agriculture biologique.
Dans le secteur de la rénovation thermique des bâtiments, 278 000 emplois pourraient être soutenus dès 2022, créant une valeur ajoutée de 38 milliards d’euros par an. Pour y arriver, le besoin d’investissement supplémentaire est évalué à quatre milliards d’euros par an entre 2020 et 2023 et plus de 11 milliards par an entre 2024 et 2030. Autres exemples : dans le secteur des véhicules électriques et hybrides, une relance tournée vers la transition écologique soutiendrait 97 000 emplois dès 2022, et 328 000 emplois à horizon 2030, créant une valeur ajoutée de 22 milliards d’euros, tandis qu’un investissement dans le secteur des énergies renouvelables permettrait de soutenir 191 000 emplois dès 2022, puis 256 000 emplois en 2030, créant ainsi une valeur ajoutée de 24 milliards d’euros par an.
Au total, une relance tournée vers la transition écologique permettrait de soutenir plus d’un million d’emplois d’ici 2022, soit deux fois plus qu’un plan de relance sans soutien ambitieux fléché vers la transition écologique. Pour cela, le WWF estime qu’il faudra au moins 14 milliards d’euros d’investissements supplémentaires annuels sur la période 2020-2023. Et avec plus de 80% des emplois situés hors de la Région Ile-de-France, les emplois soutenus seraient largement distribués sur l’ensemble du territoire national et non-délocalisables, en particulier dans les secteurs de la rénovation thermique, de l’agriculture, ou encore du tourisme.
La relance par ces secteurs doit également garantir une transition socialement juste afin de réduire les vulnérabilités économiques, sanitaires et environnementales. Dans cette perspective, il est essentiel que des stratégies d’accompagnement et de conversion des salariés des filières les plus exposées aux pertes d’emploi soient mises en place.
Au-delà des soutiens sectoriels, le besoin de réforme structurelle de notre économie
Au-delà des mesures de soutien à ces quelques secteurs clés, le plan de relance vert doit être l’occasion d’engager des réformes structurelles de notre économie. Le WWF formule plusieurs propositions en ce sens, par exemple : utiliser la taxonomie européenne dans la construction du plan de relance pour assurer une cohérence du budget avec les engagements environnementaux pris notamment dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat (2015), stopper les dépenses identifiées comme défavorables à l’environnement, renforcer le signal prix carbone en mettant en place un prix plancher croissant du carbone en Europe, et intégrer le capital naturel au cœur des systèmes d’information comptable, en faisant évoluer le rapport extra-financier des entreprises et la comptabilité financière.
Par ailleurs, alors que l’Etat a débloqué des soutiens financiers inédits à destination des entreprises dans le but de contenir la crise économique, le WWF appelle à établir une éco-conditionnalité sur les aides publiques aux grandes entreprises. Si ces soutiens sont nécessaires pour la préservation des activités économiques et des emplois, ces aides financées par le contribuable ne sauraient être attribuées sans contrepartie, notamment en matière de transition écologique. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, le WWF demande à ce que l’ensemble des aides publiques accordées aux grandes entreprises soient conditionnées à des engagements climat concrets au travers d’un bilan d’émissions de gaz à effet de serre, une trajectoire de réduction et d’un plan d’investissement cohérents avec la Stratégie nationale bas carbone et l’Accord de Paris. Cette conditionnalité doit absolument être contraignante, c’est-à-dire prévoir une sanction financière en cas de non-respect par les entreprises concernées.
Margot Delafoulhouze
Responsable Plaidoyer Villes & Territoires Durables
Juliette Kacprzak
Chargée de plaidoyer et campagnes
Philippine Viaud
Assistante chargée de plaidoyer
WWF France